Joueur en série: la saga Metal Gear
La série de jeux Metal Gear a fêté ses 30 ans cette année et reste l’une des plus marquantes de l’histoire du jeu vidéo.
Elle a tout simplement inventé le jeu d’infiltration scénarisé, une patte que l’on retrouve désormais dans la plupart des grosses productions modernes. Dommage que l’histoire se soit terminée par une chicane entre son concepteur Hideo Kojima et le studio de développement Konami...
La réputation mondiale de la série remonte à la sortie de Metal Gear Solid sur la première PlayStation, en 1998. Mais la saga est plus ancienne que cela.
Oui, j’en vois trois au fond de la salle qui se vantent d’y avoir joué sur NES. Hé bien, sachez qu’il y a eu effectivement deux jeux sur NES, mais que le tout premier Metal Gear est sorti en 1987 sur la MSX2, un ordinateur qui n’a jamais été vendu en Amérique du Nord.
Il faut croire que votre connaissance de la série n’est pas si Solid (OK, j’ai vraiment ramé pour sortir ce jeu de mots).
Un jeu Hideo Kojima
Il était une fois, au Japon, un gentil concepter de jeux vidéo qui s’appelait Hideo Kojima et travaillait pour la compagnie Konami. Kojima était si pacifiste qu’il créa pour la machine japonaise MSX2 un jeu où la ruse l’emportait sur les armes, et...
D’accord, on arrête les contes: en 1987, la MSX2 menace quasiment de fondre si on lui demande d’afficher plus de trois soldats et des balles en même temps. C’est pour contourner ce problème technique que Kojima invente le jeu d’infiltration.
Cela tombe bien: il adorait jouer à la cachette avec ses amis étant petits.
C’est ainsi que naît le premier Metal Gear: la meilleure solution pour le joueur consiste à se cacher, s’approcher discrètement de ses ennemis et les éliminer à coup de poing. Sinon, l’ennemi passe en mode «alerte», devient trop nombreux et ne lui laisse presque aucune chance.
Fan du film La grande évasion, Kojima décide de s’en inspirer en proposant un scénario inverse. Au lieu de s’évader d’une prison, le héros doit s’infiltrer dans une base militaire ou des mercenaires préparent une arme de guerre, et non une bûche de Noël géante comme on aurait pu s’y attendre.
Snake dispose donc de plusieurs moyens de se cacher, mais celui qui est passé à la postérité est finalement le plus idiot: se cacher dans une boîte en carton. C’est tellement absurde que cette boîte en carton est devenue un emblème de la série et revient dans tous les épisodes.
Pour l’anecdote, Kojima a tiré cette idée d’un roman qu’il adore, L’Homme-boîte (Kobo Abe). On y suit les péripéties d’un antihéros qui s’isole du monde en enfouissant sa tête et le haut de son corps dans sa boîte.
Et à la fin, on détruit cette arme de guerre: le Metal Gear, un tank bipède capable de lancer des missiles nucléaires. Ce boss a donné son nom à la série et en est l’enjeu principal.
Il est typiquement japonais avec son allure de «mecha», ces robots géants bipèdes très ancrés dans la culture nippone. Et on sait à quel point le Japon reste traumatisé par la force nucléaire, depuis les bombes atomiques lancées par les Américains sur Hiroshima et Nagasaki pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Metal Gear: un jeu Hideo Kojima — ah... non!
«Comment ça, on détruit le Metal Gear?», s’exclament les joueurs vétérans qui se souviennent avoir terminé le jeu sur NES, sans jamais avoir vu le bout d’une tête nucléaire. Eh oui: on parle ici de la «vraie» version originale, celle développée pour l’ordinateur MSX2, qui n’a jamais été distribuée dans nos contrées.
La version Metal Gear NES, sortie elle aussi en 1987, a été développée à Tokyo par une autre équipe de Konami, dans laquelle ne travaillait pas Kojima. Il s’agit d’une adaptation tronquée du jeu MSX2, vu les limitations de la console 8 bits de Nintendo. On n’y visite pas les lieux dans le même ordre. La jouabilité n’est pas toujours bien réglée et difficile. Les décors sont un peu moins jolis (mais cela ne fait pas beaucoup de différence maintenant...). Le scénario est moins détaillé. Le héros Solid Snake débarque en parachute dans la jungle, plutôt que par une rivière. Et le Metal Gear est une menace que l’on ne voit jamais: à la fin, on le désactive en piratant un ordinateur.
Ce dernier point a mis Kojima très en colère. Il a qualifié cette adaptation «d’abomination» qui «n’a fait que salir ma réputation».
Il a aussi conspué la difficulté du gameplay d’infiltration. Lui-même n’a jamais réussi à terminer le jeu!
Mais comme il s’est bien vendu en Amérique du Nord, une suite est mise en chantier.
Snake’s Revenge: Un jeu toujours pas Hideo Kojima!
Et si vous avez joué en 1990 à cette suite sur NES, Snake’s Revenge, sachez que son scénario est si éloigné de son prédécesseur que cet épisode a été écarté de la chronologie officielle de la série. Là non plus, Kojima n’a pas participé au développement.
Toutefois, il est bien plus tendre avec ce jeu, qui selon lui retranscrit bien l’esprit qu’il voulait donner à la franchise. Il faut dire qu’on trouve quelques jeunes de talent parmi les développeurs, dont un certain Hitashi Akamatsu, le papa de Castlevania.
L’action du jeu est plus musclée, car Konami le destine plus spécifiquement au public occidental, bien connu pour son goût des armes, du massacre et de la violence injustifiée en général. Il s’agit certes toujours de s’infiltrer dans une forteresse. Mais Snake commence tout de suite avec un couteau et un pistolet et est un adepte de la bagarre.
En plus de l’habituelle vue du dessus, on trouve aussi des niveaux vus de côté, où Snake peut se baisser et sauter. Au final, le jeu est quand même très bon, notamment grâce à sa jouabilité variée.
Ce n’est toutefois pas un vrai Metal Gear. Pendant son développement, un des développeurs, qui est aussi un disciple de Kojima, implore son maître de créer «une véritable suite faite par vous, Kojima-san». Ce dernier se retrousse donc les manches, mais pour une version encore une fois réservée à la MSX2.
Metal Gear 2: Solid Snake: Un jeu (finalement) Hideo Kojima!
La vraie suite, Metal Gear 2: Solid Snake, sort donc exclusivement au Japon, elle aussi en 1990. Et on peut dire que Kojima se fait plaisir sur l’histoire, tout simplement incroyable de finesse pour un jeu vidéo de l’époque.
En 1999, le monde est en paix, mais connaît une crise du pétrole. Un scientifique qui travaillait sur une algue capable de synthétiser de l’hydrocarbure est enlevé par des mercenaires à Zanzibar, un petit pays d’Asie centrale. Solid Snake est envoyé sur place sauver le chercheur, mais se retrouve bientôt confronté à un complot qui va au-delà de cet enlèvement. De révélations en rebondissements scénaristiques, de vieux ennemis refont surface, le tout agrémenté d’une petite réflexion sur la guerre, la paix, la cuisine espagnole (ah non pardon) et la place des soldats dans tout ça.
Et Kojima continue de s’inspirer du cinéma américain pour peaufiner l’allure de ses personnages. Rambo, L’arme fatale, À la poursuite d’Octobre rouge... Regardez la photo ci-dessous, les parallèles sont évidents.
Imaginez si ce genre «d’inspiration non autorisée» se produisait maintenant dans un jeu à succès. Imaginez maintenant une armée d’avocats spécialistes de la propriété intellectuelle qui se frotte les mains devant leur compte en banque...
Le jeu impressionne aussi par toutes les innovations de son gameplay.
La plupart des joueurs occidentaux sont convaincus que c’est Metal Gear Solid sur PlayStation qui a posé les bases du jeu d’infiltration. Mais la plupart de ses «innovations» se retrouvaient déjà dans Metal Gear 2: Solid Snake.
Le principe reste de pénétrer dans une forteresse en esquivant les ennemis. Mais ces derniers sont bien plus futés, peuvent patrouiller sur plusieurs écrans, réagir au bruit. Tout cela engendre de nouvelles possibilités de jouabilité, désormais devenues des classiques de la série. Snake peut toquer contre les murs pour attirer les ennemis, se cacher dans des espaces étroits, se faufiler dans les conduits, utiliser un radar pour étudier leurs rondes, le radar se détraque lorsque les mercenaires sont en mode alerte...
Même une bonne partie des scènes marquantes du futur épisode culte sur PlayStation apparaissent déjà dans le jeu MSX2: le combat déséquilibré contre un hélicoptère, l’espionnage d’une femme soldat en observant sa démarche, la clé qui change de forme selon la température ambiante, l’identité du personnage «Deepthroat»... Les vraies bases de la série sont ici, pas dans l’épisode PlayStation.
Metal Gear Solid: un jeu... Hideo Kojima!
Mais c’est certain que pour les gamers occidentaux qui n’ont jamais pu jouer à la MSX2, le Metal Gear Solid sorti en 1998 sur PlayStation est une grosse claque, du jamais vu, un épisode culte.
Il faut dire qu’à cette époque, le monde du jeu vidéo cherche aussi à démontrer au grand public qu’il n’est pas qu’un loisir d’enfants.
Avec l’aspect ultra cinématographique de son scénario, de sa mise en scène et de ses musiques, Kojima fabrique un porte-étendard pour tous celles et ceux qui veulent montrer que les jeux peuvent aussi s’adresser aux adultes.
La modélisation des décors et des personnages en 3D, une première, permet à Kojima de faire bouger la caméra comme il le souhaite. Elle vient régulièrement se placer derrière le personnage, même si on retrouve les scènes de gameplay vues du dessus, comme les anciens épisodes.
On est donc bien en face d’un des premiers jeux véritablement cinématographiques. Mais ne nous emballons pas: on parle ici du cinéma de Steven Seagal ou Chuck Norris.
Le scénario en fait des tonnes et semble souvent ajouter tous les canons d’un film de Michael Bay pour le plaisir du spectacle grandiloquent. On a droit à tout l’arsenal: complots, trahisons, histoires de famille, retrouvailles, virus bizarre, méchants qui parlent de philosophie avant de mourir, Snake qui les écoute tranquillement au lieu d’aller sauver le monde...
Pis la logique est parfois sacrifiée sur l’autel du pop-corn!
Pour détruire le Metal Gear, par exemple, il faudra tirer dessus au bazooka. Au BAZOOKA. Sur un tank qui porte des charges NUCLÉAIRES. Je viens de finir le livre «comment déclencher une explosion nucléaire pour les nuls», et je vous confirme que c’est exactement ce qu’il faut faire.
Pour ne rien arranger, le doublage français, enregistré avant la version anglaise et à partir de la version japonaise, était particulièrement grotesque. Les dialogues farcis de clichés sont parfois si ridicules qu’ils sont devenus cultes.
Allez, un petit exemple:
(grosse voix de Snake) «Naomi, Mantis étant vaincu, le lavage de cerveau de Meryl va s’estomper, hein?
— (Naomi) Normalement... Mais pourquoi vous être évertué à la sauver ? Pour Campbell ? Ou serait-ce parce que vous l’aimez bien ?
— (grosse voix de Snake) Je n’aime pas voir une femme mourir devant moi.
— (Naomi) Ah bon ? Parce que la mort des autres vous gêne maintenant ?
— (Colonel) Naomi! Ce n’est pas parce que Snake a tué beaucoup de gens qu’il n’a pas une âme et un coeur.
— (grosse voix de Snake) Ce n’est rien Colonel. Elle a raison.»
En dépit du kitsch, le jeu impressionne positivement, car il délivre de nombreuses scènes cultes — pas uniquement celles inspirées du précédent titre. Certains personnages sont passés à la postérité, comme Psycho Mantis. Sa capacité à lire les pensées oblige le joueur à... débrancher la manette!
Le gameplay d’infiltration est lui aussi très poussé pour l’époque. Il reprend les recettes de l’épisode précédent et ajoute quelques nouveautés sympathiques, comme les cigarettes permettant de détecter les rayons lasers.
Au final, Metal Gear Solid se vend à plus de 5 millions d’exemplaires et fait de la franchise une série majeure du jeu vidéo. Toutes ses suites sont dès lors très attendues.
Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty: encore un jeu Hideo Kojima
Passons vite sur Metal Gear Solid: Ghost Babel, sorti en 2000 sur Game Boy Color.
Le jeu est remarquable, respecte les canons de la série et est l’un des meilleurs jeux de la console portable. Mais il est conçu d’entrée comme un épisode à part de la saga, sans rapport avec la trame de la série.
Malgré ses qualités, seuls les fans purs et durs s’en souviennent.
Le gros morceau suivant est pour la PlayStation 2 en 2001: c’est Metal Gear Solid 2 : Sons of Liberty. Un jeu là aussi excellent, qui s’est même mieux vendu que MGS (7 millions de copies), où tout est fait pour renouveler et améliorer l’expérience par rapport au titre précédent.
L’action se passe sur un pétrolier, et cette unité de lieu est particulièrement intéressante et bien rendue. Peut-être encore plus que sur les autres Metal Gear, on a vraiment l’impression d’infiltrer un seul et unique bâtiment.
D’un point de vue de la jouabilité, on peut maintenant jeter les corps ennemis par-dessus bord, une option très cohérente avec le site choisit. L’intelligence artificielle des ennemis est améliorée.
MGS2 est toujours aussi cinématographique, peut-être même encore plus avec ses innombrables cinématiques et dialogues par codec/radio. Avec ses différents niveaux de lecture, le scénario de Kojima se veut moins bourrin et plus proche d’un film conceptuel à la Stanley Kubrick. Voilà, ça veut dire qu’on ne comprend rien par moment.
Et il va encore plus loin que le premier dans sa volonté de briser le «quatrième mur». Les dialogues s’adressent parfois directement au joueur derrière son écran et l’interrogent même sur son rôle dans la fabrication de l’histoire. Ceux qui avaient capoté à l’idée de devoir débrancher la manette pour déstabiliser Psycho Mantis dans MGS ont dû se régaler en voyant MGS2 péter une énorme coche en fin de partie!
À plus d’une reprise, le jeu semble volontairement fonctionner de travers, à tel point que le joueur ne sait plus s’il est en train de gagner, de perdre, ou si le jeu est bogué. Mémorable!
Il y a cette séquence surréaliste où le Colonel parle au personnage Raiden très bizarrement, avec une voix qui décroche et lance des phrases à double sens. Il demande même à «Raiden» par radio «d’éteindre la console» en disant que «tout ceci n’est qu’un jeu»! Je suis sûr qu’il y a bien dû avoir des vétérans de MGS qui se sont dit «ha! C’est comme avec Psycho Mantis!», et ont crû bon de débrancher la console. Et hop, partie perdue. Haha! Et... quoi? Mais non, je vous jure! Mais puisque je vous dis que non...
Ah, Raiden. Un autre personnage à contrôler pendant la deuxième moitié du jeu. C’est aussi une grosse nouveauté, et celle-là, certains joueurs ne l’ont pas trouvé drôle.
Quoi?! On n’incarne pas Solid Snake durant tout le jeu ? Scandale! Sacrilège! Révolte!
Et en plus, la communauté de gamers étant ce qu’elle est, certains n’ont pas apprécié non plus qu’on remplace leur héros viril à la voix grave par un personnage au physique androgyne — et même tout nu par moment — qui sera torturé (tout nu!) par un méchant à tentacules mécaniques.
Oui, je sais, #Japon.
Metal Gear Solid 3: Snake Eater: Un jeu Hid... bon ça va faire
La suite Metal Gear Solid 3: Snake Eater sort en 2004 sur PlayStation 2 chez nous (quelques mois avant de débarquer au Japon, un fait rarissime pour un jeu japonais).
Cette fois-ci, c’est un antépisode: le jeu se déroule en 1964, avant tous les évènements déjà vécus dans les autres jeux, dans un contexte de guerre froide. Un savant spécialiste du nucléaire a été envoyé en Russie par les Américains pour calmer la crise de Cuba, mais le héros est envoyé le récupérer ni vu ni connu.
Pour l’anecdote, la mission devait se dérouler le 24 août 1963, soit le jour de la naissance d’Hideo Kojima. Mais finalement, il décide de la décaler d’un an, afin d’intégrer dans le scénario l’assassinat de John F. Kennedy (le 22 novembre 1963). On n’est jamais à un complot près dans Metal Gear.
Difficile d’en dire beaucoup, le plaisir du jeu passe, une fois encore, dans la découverte des différentes ficelles du scénario. Mais les amateurs de la série peuvent voir toutes les bases de l’univers se mettre en place, au beau milieu d’institutions et personnages historiques réels.
On reste dans un jeu d’infiltration, mais le système de jeu est très différent. Finis les gadgets, place aux déguisements et aux camouflages et à une approche plus organique.
En même temps, le jeu se passe dans les années 60 et dans la forêt, alors se cacher dans les hautes herbes et secouer les ruches d’abeilles pour tuer ses ennemis est davantage d’époque que les radars électroniques.
Place à des éléments de jeu de survie aussi: il faut donc chasser, surveiller ses réserves de nourriture, dormir, et gérer le poids de son sac à dos pour ne pas se fatiguer trop vite.
Et bien sûr, vu l’époque, pas de trace de Solid Snake. On prend la peau d’un certain Naked Snake, qui a la fin du jeu se fera appeler... oh, et puis vous verrez bien.
Kojima fait du Kojima
Le jeu est acclamé, mais il manque quelque chose aux fans sensibles. Car oui, les joueurs ont un coeur (et parfois même une âme). Ce qui leur manque, c’est Solid Snake, leur héros de toujours! Kojima répondra à cette demande dans Metal Gear Solid 4: Guns of the Patriots.
Le jeu, sorti en 2008 sur PlayStation 3, met en scène à nouveau Solid Snake. Mais l’histoire se déroule en 2014 et Snake est âgé, magané, les cheveux grisonnants. Il effectue sa «dernière mission»: mettre hors d’état de nuire une organisation paramilitaire menée par un vil bonhomme qui apparaît dans tous les épisodes du jeu, et qui menace de semer la guerre, pour changer.
C’est gentil de la part de Kojima de donner des nouvelles de Solid Snake. Mais comme il n’est pas si gentil que ça, il décide que pour son nouveau jeu de cachette, les gamers ne pourront pas se cacher.
Bon, juste dans certaines séquences en réalité: le jeu se déroule au Moyen-Orient et on traverse des champs de bataille et des décors très ouverts, sans «boîte en carton magique» pour se dissimuler miraculeusement. D’ailleurs, Snake, qui semble quasiment dépérir dans les cinématiques, n’a jamais semblé aussi puissant manette en mains, avec un arsenal colossal de gadgets et d’armes. D’autant que l’intelligence artificielle des ennemis ne s’est pas vraiment améliorée pour s’adapter à ces nouvelles options.
Cette dernière aventure de Solid Snake est grandiloquente au possible. Les réfractaires aux lourdeurs du style Kojima, ses tirades-clichés et ses cinématiques interminables n’aimeront toujours pas. Mais le jeu est avant tout destiné aux fans de la série. Quiconque n’a jamais entendu parler des Patriotes, d’Outer Heaven ou des Enfants Soldats se sentira sans doute perdu. Le jeu ne cherche pas vraiment à initier les novices. Mais la base de fans est si grande que cela suffit amplement à en faire un carton: le jeu se vend à 6 millions d’exemplaires.
Metal Gear Solid 5: The Phantom Pain: Une rupture pour Hideo Kojima
Malgré ces chiffres, tout ne va pas si fort entre Kojima et la compagnie qui l’emploie, Konami.
Selon certains témoignages, la firme finit par s’irriter du comportement de sa vedette. Elle aimerait qu’il pense davantage «business» plutôt que «vision artistique».
Autrement dit: qu’il arrête de repousser la sortie du prochain Metal Gear, qu’il cesse de peaufiner les détails à n’en plus finir et qu’il boucle son jeu une bonne fois pour toutes. Konami veut toucher son cash; Kojima, lui, s’en moque éperdument, vu qu’il a choisi de toucher un salaire fixe plutôt qu’une part sur les ventes.
Résultat: après Metal Gear Solid 5: Ground Zeroes (2014), sorte de démo technique sortie pour calmer un peu l’impatience des fans, Metal Gear Solid 5: The Phantom Pain sort en 2015 en étant attendu comme le messie, après 7 ans d’abstinence.
Ce sera le dernier jeu de la saga. Côté scénario, il faut donc faire le deuil de Solid Snake puisque le jeu nous fait revenir en 1984, 9 ans après les évènements de Ground Zeroes et presque 20 ans après ceux de Snake Eater, le premier épisode de la série chronologiquement. On est donc toujours en pleine guerre froide.
Et avec une promesse aussi alléchante qu’inquiétante: un immense monde ouvert. Est-ce la fin de l’infiltration aux petits oignons propre à la saga, va-t-on avoir droit à une énième version d’un monde ouvert où l’action et les guns priment sur la subtilité? D’autant que le précédent volet laissait croire que la série partait dans cette voie.
Finalement, ce Metal Gear fait une grande place à la discrétion. Il joue avec son monde ouvert pour servir cette approche, en permettant notamment de contourner les obstacles et les ennemis.
Le jeu n’en est pas simple pour autant, car les gardes aussi profitent du monde ouvert (leurs rondes sont bien plus grandes et moins prévisibles par exemple). Le passage à l’open world est donc bien maîtrisé sur ce point.
Malheureusement, il faut admettre que ce style ne colle pas vraiment aux compétences de Kojima. Ce dernier aime surtout raconter des histoires et les mettre en scène. Mais un monde ouvert permet par nature au joueur d’avancer à son rythme et où il veut. Kojima ne maîtrise donc plus le rythme du jeu et la narration lui échappe.
De plus, MGS5 n’est pas The Witcher 3. Son monde est loin d’être aussi vivant, et ses missions secondaires se répètent très vite.
Bref: la routine s’installe et on se lasse.
Alors que la marque de fabrique de Metal Gear, c’était plutôt de nous garder vissé à l’écran en se demandant quel serait le prochain rebondissement d’un scénario qui prend toute la place. C’est un peu bizarre.
Construire sa propre base? Meh, plein de jeux proposent ça déjà.
Metal Gear s’est banalisé, au point de perdre un peu de sa spécificité, sans doute pour s’ouvrir à un public plus large.
Est-ce la conséquence des embrouilles entre Kojima et Konami? Est-ce parce que Kojima a été obligé de travailler dans une autre pièce que ses collègues pendant les six derniers mois de développement du jeu?
Toujours est-il qu’aux dernières nouvelles, ce Phantom Pain, cette «douleur fantôme», est bel et bien le dernier épisode de la série.Une série qui a marqué le jeu vidéo, l’a révolutionné même par certains côtés.
Les jeux AAA d’aujourd’hui, à base de grandes scènes d’action coupées par des cinématiques tapageuses, ont tous suivi la voie tracée par Metal Gear Solid il y a 20 ans. Mais la franchise semble un peu essoufflée maintenant.
Kojima a quitté Konami sans la propriété intellectuelle de Metal Gear, il ne pourra donc pas en produire un autre avec son nouveau studio, Kojima Productions (oui, le monsieur aime bien que son nom figure absolument partout).
Quant à Konami, la franchise n’a pas l’air de les intéresser. Enfin, ils ont bel et bien annoncé un Metal Gear Survive pour l’an prochain. Mais ce sera un jeu multijoueur. Il y aura même un mode zombies, signe que la firme préfère définitivement succomber aux sirènes de la mode plutôt que de raviver la flamme.
Autant dire que les pauvres fans de la première heure de Metal Gear vont ressentir pendant un moment encore une «douleur fantôme» manette en main.
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