GETTR ou comment un réseau social sans filtres ni modérateurs est impossible | Pèse sur start
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GETTR ou comment un réseau social sans filtres ni modérateurs est impossible

Image principale de l'article GETTR, le réseau à ne pas imiter

Mieux connu au sud de la frontière, le réseau social et site de microblogage Gettr conçu pour donner voix aux conservateurs américains a été lancé à la fête de l’indépendance, le 4 juillet 2021. Il se voulait une réponse au soi-disant vol électoral que Trump et les républicains-trumpistes auraient subi à l’élection présidentielle de novembre 2020 et à son éviction des autres plateformes, Facebook et Twitter, pour ne pas les nommer. 

On compare son interface utilisateur et ses fonctionnalités à celles du réseau Twitter. Mais peu après son lancement, les choses se sont vite gâtées pour ce réseau précurseur du tout nouveau Truth Social, taillé sur mesure pour la clientèle de l’ex-président Donald Trump.

Lancé par des membres de l’ancien président, Gettr a rapidement été submergé de contenus extrémistes (vidéos de décapitations) et pornographiques, par des trolls et autres propagandes terroristes et djihadistes, selon le magazine Politico.

Outre la prolifération de contenus mentionnés, la plateforme Gettr a été piratée le jour de son lancement. Des comptes de représentants politiques et d’anciens membres du cabinet Trump ont été compromis et près de 90 000 comptes de messagerie ont été supprimés des serveurs.

Liberté d’expression ou l’absence de filtres et de modérateurs  

Décrit comme une plateforme de médias sociaux conservatrice, Gettr se vantait lors de son lancement d’être un « réseau social sans préjugés », une alternative aux réseaux sociaux traditionnels, dicté par des objectifs de lutte contre la cancel culture, la promotion du bon sens, la défense de la liberté d'expression, la remise en question des monopoles des médias sociaux et la création d'un véritable marché des idées.

Derrière ces bons vœux, cette fameuse liberté d’expression a donné l’occasion à plein de gens et de groupes malintentionnés et extrémistes qui étaient chassés sur Facebook et Twitter d’envahir Gettr de contenus outrageants sans être inquiétés par des filtres et autres algorithmes d’intelligence artificielle.

Chaque nouveau réseau social dit libre ou champion de la liberté d’expression se voit aussitôt pris d’assaut par des communautés de petits voyous du clavier jusqu’aux organisations terroristes, sans oublier les experts en désinformation et propagandistes d’États-voyous qui ont les États-Unis ou l’Occident dans leur collimateur.

Application mobile Gettr, sur Android

Gettr

Application mobile Gettr, sur Android

Quand la liberté d’expression se retourne contre elle-même  

Les abonnés conservateurs ont pu découvrir avec stupéfaction que leur réseau chouchou était « ouvert » aux discours et aux matériels haineux sans restrictions. Les partisans de l'État islamique ont commencé à exhorter leurs adeptes sur d'autres réseaux sociaux à s'inscrire au réseau pro-Trump, en partie pour amener le combat jihadiste directement à la nation MAGA (Make America Great Again).

Comme on s’en doute, le libre accès s’est vite refermé et les comptes jihadistes publiés sur Gettr ont été retirés.

De leur côté, les Facebook et Twitter s’appuient sur les bases de données de l’organisme Global Internet Forum to Counter Terrorism pour retirer le plus rapidement les contenus ennemis.

Par la suite, le réseau a commencé à modérer ses utilisateurs, ainsi qu’en fixant une limite à la divulgation de données personnelles (doxxing) ou au partage des adresses d’autres personnes.

Même les extrémistes de droite y goûtent  

La plateforme Gettr qui accueille des groupes suprémacistes comme les Proud Boys s’est résignée en décembre dernier à suspendre des individus comme Nick Fuentes, un commentateur d’extrême droite de seulement 23 ans et ancienne personnalité sur YouTube.

Ses partisans réunis sous le nom de Groypers s’en sont pris à leur tour au réseau Gettr qui a ensuite interdit toute utilisation du mot « groyper » sur la plateforme.

Comme l’a exprimé la sénatrice Wendy Rogers (Arizona) «quel est l’intérêt d’une alternative de libre expression à Twitter... qui n’honore même pas la liberté d’expression ? ». Cela résume le dilemme de ces soi-disant plateformes de liberté d’expression.

Seulement 3 millions d’abonnés  

Selon Wikipédia, Gettr cumulait en novembre dernier près de 3 millions d’abonnés et près de 400 000 utilisateurs quotidiens.

Formé du mot-valise getting together ou get together, le réseau Gettr est classé 17 ans et plus ou M pour adulte sur les boutiques d’applications mobiles.

L’arrivée de Truth Social sur les appareils mobiles et le Web pourrait fort bien signaler la fin du réseau Gettr si les fidèles de l’ancien président Trump le suivent.

Mais si Truth Social opère avec le même modus operandi que Gettr, il finira tôt ou tard comme ce dernier par se cannibaliser tout seul.